Assise au bord d'un trottoir, Alison attendait patiemment que le taxi qu'elle venait d'appeler passe la prendre. Sa voiture était à côté d'elle, certes. Mais Ali n'était pas en état pour la conduire. Ni même pour marcher une trentaine de minutes pour rentrer jusqu'à chez elle. Elle était déchirée, comme un bon samedi soir qui se respectait. Elle avait bu, bu et re bu. Elle n'en pouvait plus, elle était crevée et ses pieds lui faisaient mal. Elle avait qu'une envie, c'était rentrer. Mais alors qu'elle était totalement plongée dans ses pensées, un homme qu'elle avait croisé durant la soirée s'assit à ses côtés. « Alison, c'est ça? » Elle acquiesça d'un signe de la tête. « Et toi, c'est James. » Ça n'était pas une question, plutôt une affirmation. Elle avait beau être bourrée, elle se souvenait encore du prénom de celui qui avait tenté de faire un strip-tease sur le podium avant de se faire sermonner par les videurs. « Qu'est-ce que tu fais toute seule? » « J'attends le taxi. » dit-elle sans réfléchir, sentant le sol légèrement bouger en dessous de ses fesses. Elle avait vraiment besoin d'être chez elle, de se poser dans son lit et de dormir jusqu'à seize heures de l'aprem le lendemain. « Je vais attendre avec toi, alors. » déclara James, avant de reprendre. « Tiens, on va faire un jeu pour faire passer le temps. Parce que je sens que si tu ne parles pas tu vas clamser sur le trottoir. » dit-il, en murmurant sa deuxième phrase. « Je te pose une question, tu y réponds en toute honnêteté. Et vice versa. OK? » Alison sourit. « OK. Mais c'est moi qui commence. Ça t'arrive souvent de te dénuder devant autant de monde? » James ne put s'empêcher de lâcher un rire. « Non, seulement quand j'ai des jolies filles comme toi à impressionner. » Ali rit à son tour, ne relevant pas le fait qu'il lui faisait du rentre dedans. Ce soir-là, elle n'avait pas envie de compagnie. Elle voulait rentrer seule. « À moi ! Qu'elle est la chose la plus triste que tu aies jamais vécue? » Alison le fixa, surprise. « Ah ouais, t'es comme ça toi. Les questions chiantes tout de suite. » « T'as accepté de jouer, tu dois en subir les conséquences. » déclara-t-il, souriant, la fixant à son tour dans le bleu de ses yeux. Alison inspira longuement avant de finalement se lancer. « J'étais petite, j'avais encore que sept ans. Ma petite sœur était handicapée. On la gardait dans ce grand immeuble où on se rendait tous les jours avec mes parents. Quand on la visitait, on se baladait toujours dans la forêt et je me rappelle même qu'on s'amusait à ramasser les plumes d'oiseau qu'on trouvait à terre. C'était cool. » dit-elle, pensive avant de se rendre compte que ce qu'elle venait de dire n'avait rien de triste, comme il l'avait demandé. « Oh euh.. elle est morte quand j'avais sept ans. C'est ça, mon souvenir le plus triste. » Elle posa ses mains contre le goudron pour garder l'équilibre et réfléchit à son tour à une question qu'elle pouvait poser à son voisin. « Qu'elle est la pire chose que tu aies fait à un ami? » demanda-t-elle, l'imitant dans ses questions glauques et loin d'être joyeuses. « Peut-être me taper sa copine. Ou alors sa sœur. J'hésite. Tu dirais que c'est laquelle des deux la pire? » Alison le regarda de travers, alors que lui semblait tout à fait à l'aise de parler de trahisons qu'il avait pu faire à un ou plusieurs de ses amis. « T'as l'air d'un un ami en or, toi. » fit-elle, sans répondre à sa question. Elle rit d'un air ironique et regarda autour d'elle, à la recherche du taxi qui n'arrivait pas. « Tu es amoureuse? » Blondie posa à nouveau son regard sur son voisin. C'était quoi son problème? Il avait envie de connaitre sa vie pour en écrire un livre ou quoi? « Non. » Voyons Alison, sois honnête. « Enfin.. disons que si je devais choisir entre toi ou tous les autres mecs qui s'amusent dans cette boite et le gars avec qui je partage tout depuis que je suis gosse, le choix serait très vite fait. » « Ouais, donc tu l'es. » « Tais toi. » Elle soupira à nouveau mais ne s'arrêta pas longtemps. « Si tu devais choisir entre une fille belle mais peu intéressante et une moche mais adorable et très cultivée. Quel serait ton choix? » James ne réfléchit même pas l'ombre d'une seconde. Comme si Alison venait de poser une question dont la réponse était évidente pour tout le monde. « La belle. Ça sert à quoi de se coltiner quelqu'un si le désir n'y est pas? » Alison en avait assez entendu. Ce mec avait tout d'un con fini. Heureusement pour elle, son taxi venait d'arriver et l'attendait de l'autre côté de la chaussée. Elle se leva, mais avant même d'avoir trouvé le juste équilibre sur ses talons, James l'ouvrit. « Dernière question avant que tu me laisses. Qu'est-ce que tu penses de moi après ces quelques minutes? » Alison s'empara de son sac laissé à terre et regarda son interlocuteur une dernière fois. Elle lui aurait bien dit qu'il avait l'air d'être beau connard comme on en fait trop souvent dans le coin, mais elle n'en fit rien. Alison Sawyer et ses sentiments refoulés; l'histoire de sa vie. « Demande ça à ton ami. » lâcha-t-elle avant de monter dans le taxi qui l'emmena jusqu'à chez elle pour une longue et bonne nuit de sommeil à décuver.