Assis au fond de son siège, le regard fixé sur le paysage défilant par la fenêtre, il écoutait d’une oreille la conversation des deux éducateurs. Les mots n’avaient pas vraiment de sens, les termes lui semblaient trop compliqués à comprendre. Alors il ferma les yeux, pour rattraper les heures de sommeil qu’il n’avait pas eu cette nuit, mais ils ne restèrent pas fermés bien longtemps.
Sur un fond noir, il voyait le visage de sa mère ; l’expression neutre sur ses traits lui glaça le sang encore une fois, comme s’il était à nouveau face à elle, face à son jugement et à son silence. Le garçon se recroquevilla sur lui-même, posant la tête sur les genoux, en essayant de calmer sa respiration et les battements trop rapides de son cœur contre sa poitrine.
Les voix s’arrêtèrent un instant et il sentit les yeux de l’éducatrice sur lui. Doucement, elle lui demanda si tout allait bien, s’il avait besoin de quelque chose. Dans sa tête, des mots douloureux résonnèrent et des larmes se mirent à tomber sur ses joues rondes. Il fit de son mieux pour les cacher, pour se prouver qu’il n’était pas faible, comme son père le lui répétait constamment. Il les essuya vigoureusement avec les manches de son pull trop grand jusqu’à ce qu’elles disparaissent totalement.
En voyant son reflet dans le rétroviseur, Aidean eut honte. Ses yeux rouges le trahissaient, prouvaient au monde entier qu’il n’était rien d’autre qu’un pauvre gamin, qu’une femmelette qui ne ferait rien de sa vie, une pauvre tarlouze. Les mots de son père se mélangèrent dans sa tête et il pouvait presque l’entendre hurler comme il l’avait fait des mois durant.
L’arrêt de la voiture le surprit et il releva la tête, observant les alentours. Il ne reconnaissait pas cet endroit ; une forêt, lui semblait-il. Puis en tournant les yeux, il vit cette grande maison aux murs de briques. Elle lui parut accueillante aux premiers abords, mais il hésita un instant avant de suivre l’éducatrice au sourire rassurant. Lorsqu’il fut à ses côtés, elle s’agenouilla pour se mettre à sa taille et lui murmura ces phrases.
– Bienvenue dans ta nouvelle maison. Ici, tu seras en sécurité. Je te le promets.
- Tu fais vraiment chier, tu le sais ça ?
Il s'était promis de ne pas se mettre en colère, de rester calme en toutes circonstances. Et il fallait que ça foire, évidemment.
Il fit de son mieux pour éviter la casse, mais Idalgo ne semblait pas du même avis. Sa voix stridente résonnait dans tout le pub et cela faisait longtemps maintenant que tous les visages s'étaient tournés vers eux pour observer le spectacle. Même le chanteur du soir ne pouvait pas s'empêcher de jeter un coup d'oeil tout en jouant quelques notes de musique.
Tous ces regards le rendaient nerveux et Aidean sentait la colère venir à grands pas. Ses mains se mirent à trembler et il les passa rapidement dans ses boucles brunes, essayant de contrôler sa respiration comme il avait appris à le faire au foyer en Irelande. Mais les hurlements de son petit-ami se faisaient de plus en plus insistants à force que lui se taisait et le jeune homme finit par craquer.
En quelques minutes, il fit disparaître tous les clients, prétextant une fermeture temporaire du pub. Lorsqu'il n'y eut plus que le français et lui, il se permit de crier, de hurler à l'injustice. Ah, ils s'étaient bien trouvés, ces deux-là. Des forces personnalités ; l'un colérique et l'autre lunatique. Des disputes, il y en avait eu plus d'une. Mais jamais elles n'avaient été aussi violentes.
Idalgo jeta le premier verre, suivi d'un deuxième qui rendit Aidean fou furieux. Ce dernier avait beau se justifier, rien ne changeait. La jalousie excessive du français n'aidait pas à calmer le jeu et ils finirent par se dire adieu, chacun partant d'un côté sans jamais se retourner.
Allongé sur le tapis, Aidean prit une grande inspiration et exécuta, comme chaque matin, les quelques positions de yoga que lui avait enseigné un ami. En se concentrant bien, il n'entendait plus que la musique apaisante et tout autour de lui semblait disparaître.
Le jeune homme avait mis en place ce rituel quelques années auparavant, alors que sa colère devait trop importante et permanente. Il avait compris avec le temps qu'elle faisait fuir les clients, ne souhaitant pas s'approcher de l'homme au visage froid qu'il était devenu.
Au début, il n'y croyait pas. Comment pourrait-il être plus calme seulement en réalisant ces drôles de positions ? Un miracle se produisit lorsqu'il commença à se détendre au travail ou lorsqu'il se mit à sourire aux gens lui demandant un verre. Au fil du temps, Aidean vit la salle se remplir de plus en plus chaque soir, jusqu'au jour où son pub devint le lieu où tous les étudiants se donner rendez-vous pour se détendre après les cours.
Il faisait des efforts énormes pour pouvoir canaliser sa colère et la laisser de côté. Son comportement envers les autres s'améliora et il se fit très vite des amis, bien qu'aucun d'entre eux ne puisse raconter l'histoire d'Aidean, l'homme mystérieux au sourire charmeur.
Il fréquenta quelques personnes également, mais sans grande conviction. Oublier le français semblait la meilleure chose à faire pour s'y remettre à nouveau. Tâche difficile lorsque le seul visage qui apparait lorsque vous embrassez quelqu'un est celui de votre ex, n'est-ce pas ? Dans la même catégorie, il pouvait intégrer l'écharpe qu'Idalgo avait oublié le jour de leur rupture et qui, encore aujourd'hui, se trouvait poser sur un coin de la petite cheminée.
Sur un fond noir, il voyait le visage de sa mère ; l’expression neutre sur ses traits lui glaça le sang encore une fois, comme s’il était à nouveau face à elle, face à son jugement et à son silence. Le garçon se recroquevilla sur lui-même, posant la tête sur les genoux, en essayant de calmer sa respiration et les battements trop rapides de son cœur contre sa poitrine.
Les voix s’arrêtèrent un instant et il sentit les yeux de l’éducatrice sur lui. Doucement, elle lui demanda si tout allait bien, s’il avait besoin de quelque chose. Dans sa tête, des mots douloureux résonnèrent et des larmes se mirent à tomber sur ses joues rondes. Il fit de son mieux pour les cacher, pour se prouver qu’il n’était pas faible, comme son père le lui répétait constamment. Il les essuya vigoureusement avec les manches de son pull trop grand jusqu’à ce qu’elles disparaissent totalement.
En voyant son reflet dans le rétroviseur, Aidean eut honte. Ses yeux rouges le trahissaient, prouvaient au monde entier qu’il n’était rien d’autre qu’un pauvre gamin, qu’une femmelette qui ne ferait rien de sa vie, une pauvre tarlouze. Les mots de son père se mélangèrent dans sa tête et il pouvait presque l’entendre hurler comme il l’avait fait des mois durant.
L’arrêt de la voiture le surprit et il releva la tête, observant les alentours. Il ne reconnaissait pas cet endroit ; une forêt, lui semblait-il. Puis en tournant les yeux, il vit cette grande maison aux murs de briques. Elle lui parut accueillante aux premiers abords, mais il hésita un instant avant de suivre l’éducatrice au sourire rassurant. Lorsqu’il fut à ses côtés, elle s’agenouilla pour se mettre à sa taille et lui murmura ces phrases.
– Bienvenue dans ta nouvelle maison. Ici, tu seras en sécurité. Je te le promets.
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- Tu fais vraiment chier, tu le sais ça ?
Il s'était promis de ne pas se mettre en colère, de rester calme en toutes circonstances. Et il fallait que ça foire, évidemment.
Il fit de son mieux pour éviter la casse, mais Idalgo ne semblait pas du même avis. Sa voix stridente résonnait dans tout le pub et cela faisait longtemps maintenant que tous les visages s'étaient tournés vers eux pour observer le spectacle. Même le chanteur du soir ne pouvait pas s'empêcher de jeter un coup d'oeil tout en jouant quelques notes de musique.
Tous ces regards le rendaient nerveux et Aidean sentait la colère venir à grands pas. Ses mains se mirent à trembler et il les passa rapidement dans ses boucles brunes, essayant de contrôler sa respiration comme il avait appris à le faire au foyer en Irelande. Mais les hurlements de son petit-ami se faisaient de plus en plus insistants à force que lui se taisait et le jeune homme finit par craquer.
En quelques minutes, il fit disparaître tous les clients, prétextant une fermeture temporaire du pub. Lorsqu'il n'y eut plus que le français et lui, il se permit de crier, de hurler à l'injustice. Ah, ils s'étaient bien trouvés, ces deux-là. Des forces personnalités ; l'un colérique et l'autre lunatique. Des disputes, il y en avait eu plus d'une. Mais jamais elles n'avaient été aussi violentes.
Idalgo jeta le premier verre, suivi d'un deuxième qui rendit Aidean fou furieux. Ce dernier avait beau se justifier, rien ne changeait. La jalousie excessive du français n'aidait pas à calmer le jeu et ils finirent par se dire adieu, chacun partant d'un côté sans jamais se retourner.
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Allongé sur le tapis, Aidean prit une grande inspiration et exécuta, comme chaque matin, les quelques positions de yoga que lui avait enseigné un ami. En se concentrant bien, il n'entendait plus que la musique apaisante et tout autour de lui semblait disparaître.
Le jeune homme avait mis en place ce rituel quelques années auparavant, alors que sa colère devait trop importante et permanente. Il avait compris avec le temps qu'elle faisait fuir les clients, ne souhaitant pas s'approcher de l'homme au visage froid qu'il était devenu.
Au début, il n'y croyait pas. Comment pourrait-il être plus calme seulement en réalisant ces drôles de positions ? Un miracle se produisit lorsqu'il commença à se détendre au travail ou lorsqu'il se mit à sourire aux gens lui demandant un verre. Au fil du temps, Aidean vit la salle se remplir de plus en plus chaque soir, jusqu'au jour où son pub devint le lieu où tous les étudiants se donner rendez-vous pour se détendre après les cours.
Il faisait des efforts énormes pour pouvoir canaliser sa colère et la laisser de côté. Son comportement envers les autres s'améliora et il se fit très vite des amis, bien qu'aucun d'entre eux ne puisse raconter l'histoire d'Aidean, l'homme mystérieux au sourire charmeur.
Il fréquenta quelques personnes également, mais sans grande conviction. Oublier le français semblait la meilleure chose à faire pour s'y remettre à nouveau. Tâche difficile lorsque le seul visage qui apparait lorsque vous embrassez quelqu'un est celui de votre ex, n'est-ce pas ? Dans la même catégorie, il pouvait intégrer l'écharpe qu'Idalgo avait oublié le jour de leur rupture et qui, encore aujourd'hui, se trouvait poser sur un coin de la petite cheminée.